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  • « Bien fait ici » invite le patriotisme dans la politique canadienne sur la concurrence

    Notre organisme « Bien fait ici » a décidé de participer aux consultations sur l’avenir de la politique de la concurrence au Canada. Bien que la démarche se concentre sur les améliorations à apporter au système d’application du droit par l’organe appelé Bureau de la concurrence, notre intervention vise à sensibiliser les autorités sur le fait que la seule dimension anti-trust qui domine l’esprit et la lettre de la Loi actuelle sur la concurrence – et sans doute aussi sa mouture en devenir – mérite d’être modernisée non seulement à l’auge d’une économie qui se numérise, mais aussi de la globalisation des marchés sur la santé de nos entreprises, de l’impact sur ces dernières des traités de libre-échange, et surtout, du peu d’importance accordé au « fait local ».

     

    Il n’est certes pas aisé de considérer la protection, même la promotion de la fabrication canadienne dans une réflexion sur la concurrence. À première vue, cela semble une antithèse. Du moins, pour les adeptes d’Adam Smith et de sa fameuse main invisible qui régule tout.

    À l’organisme « Bien fait ici / Well Made Here », nous ne partageons pas cette vision d’un capitalisme primaire. Nous sommes en fait persuadés que seul un cadre législatif rigoureux peut permettre des transactions équitables entre les parties.

    Nous apprécions l’objet de la loi actuelle et pensons qu’elle doit mieux s’incarner dans les pratiques de la concurrence sur le terrain. Cet objet se lit comme suit: « préserver et favoriser la concurrence au Canada, pour améliorer les chances de participation canadienne aux marchés mondiaux tout en tenant simultanément compte du rôle de la concurrence étrangère au Canada, pour assurer à la petite et à la moyenne entreprise une chance honnête de participer à l’économie canadienne, de même que dans le but d’assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits ».

    Nous pensons en effet que la notion de saine concurrence devrait aujourd’hui non seulement couvrir les acteurs du commerce virtuel, mais aussi cohabiter avec des valeurs bien canadiennes que sont par exemple l’achat local et le respect des normes CSA et autres; la durabilité des produits et leur écoconception; la traçabilité des intrants et leur impact face à la lutte contre l’émission des gaz à effet de serre; le comportement des sociétés et de leurs sous-traitants eu égard aux conditions de travail de leurs effectifs, etc.

    Ceci éviterait des aberrations, comme celle-ci: : le gouvernement du Québec a exigé dans un appel d’offres que la Maison des aînés à Chicoutimi soit revêtue d’aluminium parce que la région est le berceau de ce minerai. Or, c’est l’alu de Chine qui est arrivé comme plus bas soumissionnaire. Remarquez, la qualité du produit aussi était plus basse de même que les conditions de travail là-bas, mais Adam Smith a parlé. Ce qui ne veut pas dire que Justice, encore moins Équité, ait gagné.

    Pour éviter un tel embarras politique, les fonctionnaires ont dû user de tours de passe-passe alors qu’une règle faisant de la discrimination en faveur d’un approvisionnement local conditionné à un mix de critères de prix et de qualité aurait tranché l’affaires de manière plus officielle.

    Autre injustice: les marchands face aux frais de transaction par cartes de crédit

    À la base d’un sain capitalisme existe la notion de liberté pour les entreprises quant à leurs revenus et dépenses, le tout assujetti aux lois en vigueur. Or, les quincailleries et les marchands de tout le Canada et de tous les autres secteurs d’activité ne jouissent pas de ce libre choix en matière de frais de transactions par carte de crédit.

    Opérant en duopole de facto, Visa et MasterCard ont le loisir de facturer n’importe quels taux dits d’interchange et de moduler ceux-ci à leur gré; pire, au gré des types de cartes de crédit utilisées par les consommateurs dans leurs magasins.

    À défaut d’une loi imposant à Visa et MasterCard un taux universel – peu importe le type de carte – et plafonné pour éviter tout abus, le Commissaire du Bureau de la concurrence devrait invoquer les articles de la Loi sur la concurrence touchant au manque de transparence, à l’acceptation de gré de toute facturation et à l’abus pour cause de position dominante dans un marché pour intervenir au nom de tous les marchands.

    Action décourageant le commerce local

    Le Bureau de la concurrence est intervenu au cours des récentes années lorsque plusieurs marchands tentaient de se décider d’un même horaire d’ouverture. Il n’y avait dans leur démarche aucune intention de fixer des prix ni des territoires, mais uniquement de protéger leur survie en s’entraidant. Ces quincaillers ont reçu une menace de 14 ans d’emprisonnement et de 25 millions en amende s’ils récidivaient.

    On sait que sous l’influence néo-libérale qui déferle sur l’Amérique du Nord, les commerces doivent ouvrir de plus en plus d’heures, de plus en plus de jours. Cela nuit à leur rentabilité, car si les dépenses d’opération augmentent avec des horaires haussés, il n’en va pas ainsi pour leurs revenus: le consommateur qui a 150 $ pour s’acheter une scie ronde ne va pas gonfler sa dépense à 200 $ parce que sa quincaillerie ouvre plus d’heures.

    Dans ces circonstances, dans un même marché géographique, nous soutenons que les quincailleries, notamment, devraient avoir le droit de convenir des mêmes jours et heures d’ouverture. Ils évitent ainsi le cannibalisme de clientèle et d’employés.

    Nous pensons donc que le Bureau de la concurrence erre en intervenant dans pareilles situations. Et ce faisant, il nuit à la concurrence puisqu’il pousse des commerces locaux de proximité à la fermeture.

    Laxisme gouvernemental face au recel de marchandise volée

    Dans l’esprit de l’article 52 de l’actuelle Loi sur la concurrence qui aborde les informations fausses ou qui peuvent induire le public dans l’erreur, nous considérons que le Commissaire devrait pouvoir intervenir auprès de Facebook pour son Marketplace et auprès des plateformes semblables de revente de marchandise afin d’astreindre les  « vendeurs » à un certain comportement.

    Les statistiques montrent que plus de 50 % des vols à l’étalage sont commis pour des fins de recel, c’est-à-dire de revente. Or, l’arrivée des « marketplace » virtuels a été un point de bascule pour les commerces de détail étant donné leur efficacité à écouler du stock neuf dans un total anonymat.

    D’abord, le Bureau pourrait collaborer avec les agences provinciales de protection du consommateur pour forcer les sites web de revente de marchandise à prévenir les citoyens qu’ils peuvent encourir des poursuites au criminel s’ils achètent de la marchandise volée.

    De facto, en effet, est complice quiconque achète un item volé et la cour a dans plusieurs cas démontrés qu’il peut être difficile pour un consommateur de plaider l’ignorance. Un bandeau d’avertissement en début de séance, comme avant un film, pourrait inciter nombre de citoyens à douter de l’intégrité d’un vendeur en ligne.

    Plus directe et plus puissante encore pourrait être l’obligation de publier une photo de la preuve d’achat prétendue par chaque vendeur avec leur annonce. Une telle mesure rendrait plus difficile le recel qui, selon nos marchands, représente la principale motivation de voler en quincaillerie, bien avant le désir de posséder une scie ronde pour soi. Les milieux policiers avancent même que voleur est devenu un métier professionnel, un gagne-pain, pour de plus en plus d’individus.

    Pour une juste contribution des géants du Web aux infrastructures

    Par extension, nous en avons profité pour dénoncer les géants des ventes en ligne par rapport à une autre injustice comparé aux entreprises faites de briques et mortier, c’est l’insuffisance de leur contribution à l’utilisation, à l’entretien et à la construction des voies terrestres de transport que leurs multiples véhicules de livraison embourbent.

    Nous soutenons que la démarche de modernisation de la Loi sur la concurrence doit prendre en compte le manque de cohérence dans les mesures correctives disponibles pour lutter contre certaines formes de comportements anticoncurrentiels de la part du Web et les nouveaux défis posés par le mode de fonctionnement des marchés axés sur les données et le numérique.

    Ce laisser-aller de nos gouvernements face aux géants du Web et à la globalisation du marché a accentué des perturbations subies sur nos marchés domestiques et dans nos chaînes d’approvisionnement, faisant augmenter le coût des produits de première nécessité et bien des inquiétudes quant à l’équité.

    La direction de « Bien fait ici » considère qu’un cadre sain de concurrence peut comprendre des obligations minimales à respecter, même accorder des avantages aux entreprises qui les excèdent si ces critères forcent non seulement l’innovation, mais contribuent aussi à des luttes comme celles menées pour les droits de travailleurs, pour des produits durables et l’écoconception et pour la protection de la planète.

    Un cadre sain de concurrence devrait donc, selon nous, ne pas hésiter à discriminer les entreprises et leurs produits et services dans l’optique où l’on peut démontrer que l’intérêt public est mieux servi en étant desservi par des produits fabriqués moins loin et comportant des intrants de qualité et des politiques après-vente rigoureuses.

    D’ailleurs, les promoteurs de la consultation affirment que le Canada doit s’assurer « que ses règles favorisent une économie dynamique et compétitive au pays, qu’elles lui permettent également de demeurer un partenaire compétent dans la lutte mondiale en faveur de l’équité, de l’inclusion et de la prospérité dans le nouveau marché mondial. »

    Autrement dit, le gouvernement doit chercher à cerner les meilleures façons de moderniser le cadre canadien relatif au droit de la concurrence et de relever les défis mentionnés ci-dessus à l’avantage maximal du plus grand nombre de Canadiens (consommateurs, entreprises ou travailleurs).