Vendre plus, dépendre moins : le profil des intentions des manufacturiers canadiens se précise après notre enquête
Un regain d’intérêt pour les ventes interprovinciales, un attrait toujours présent – malgré tout – pour le marché américain en raison de sa taille et de sa proximité, une volonté de tripler les ventes numériques et un désir marqué de réduire la dépendance envers les États-Unis et la Chine pour les composants et matières premières : telles sont les principales tendances révélées par l’enquête récemment menée auprès des manufacturiers participants au programme « Bien fait ici ».
À l’heure où un nouveau souffle patriotique rallie les Canadiens, les fabricants de produits résidentiels doivent composer avec des barrières tarifaires bien connues. À ces obstacles s’ajoute un climat géopolitique tendu, qui pousse les dirigeants manufacturiers à s’interroger, voire à agir.
Sans surprise, plus de 75 % des ventes et des approvisionnements de nos membres s’effectuent au Canada. Par ailleurs, la majorité concentre leurs ventes domestiques dans leur propre province.
Les graphiques démontrent que les manufacturiers perçoivent encore un potentiel inexploité dans les autres provinces canadiennes.
Une volonté d’expansion interprovinciale se dégage clairement. Mais alors, qu’est-ce qui les freine ?
Ce diagramme illustre les principaux obstacles identifiés par les répondants, invités à en sélectionner jusqu’à trois.
Les écarts réglementaires – notamment en construction – arrivent en tête, suivis par les règles de transport et les politiques d’approvisionnement locales. Ces différences englobent les normes de sécurité, les permis, les préférences régionales, les méthodes de travail et les lois du travail, et constituent un frein réel à l’expansion interprovinciale.
Commentaire de Richard Darveau, président-directeur général de « Bien fait ici » :
« Le Canada est vaste, avec ses fuseaux horaires et ses régionalismes culturels. Croire en un libre-échange total à l’intérieur de nos frontières est peut-être illusoire. Mais saluons la volonté du gouvernement Carney de fluidifier le commerce domestique. »
Ventes locales versus ventes internationales
Les médias généralistes rappellent sans cesse que les États-Unis sont notre principal client, avec 75 à 80 % de nos exportations. Pourtant, aujourd’hui comme demain, ce sont les ventes nationales qui soutiennent le mieux les manufacturiers dans notre secteur d’activité.
L’Europe et l’Asie suscitent un intérêt croissant, mais ce sont encore les États-Unis qui dominent – et domineront vraisemblablement encore dans cinq ans – les exportations canadiennes en produits résidentiels.
À noter : seulement 5 des 20 répondants exportent actuellement en Europe. La distance et les coûts logistiques liés au transport de matériaux lourds expliquent sans doute cette faible présence.
Moyens privilégiés pour l’exportation
Diversifier ses ventes est plus facile à dire qu’à faire. L’enquête a donc demandé aux manufacturiers quels moyens ils privilégient.
Les coentreprises (« joint ventures ») arrivent en tête, suivies par les distributeurs. L’option de recourir à des agences de représentation se classe loin derrière.
Commentaire de Richard Darveau :
« Créer une coentreprise aux États-Unis ? Bien sûr, surtout quand les administrations américaines favorisent les entreprises locales. Mais de mon expérience, quand on parle des autres contrées lointaines, mieux vaut un distributeur bien établi ou une agence sérieuse que de gérer une usine à distance. »
Depuis la clôture du sondage, la direction de « Bien fait ici » considère opportun de demander à son conseil d’administration d’être mandatée pour habiliter des distributeurs par zones géographiques (Scandinavie, Asie du Sud-Est, Europe continentale, Méditerranée, etc.), afin qu’ils promeuvent les intérêts de plusieurs manufacturiers non concurrents.
Dans cette perspective, le parcours de M. Darveau avant d’être dans la quincaillerie était concentré dans les affaires internationales : il a conduit une cinquantaine de missions partout sur le globe d’où ont débouché quantité d’ententes commerciales.
Aide attendue
Les répondants ont identifié les trois formes d’assistance les plus cruciales.
L’accès au financement – y compris aux subventions – rivalise avec la participation à des salons et à des missions commerciales. « Bien fait ici » poursuit d’ailleurs ses efforts pour sensibiliser le nouveau gouvernement canadien à l’importance de soutenir les fabricants qui choisissent de produire – voire de relocaliser – au pays.
Ventes en ligne
Une tendance forte du XXIe siècle est la vente en ligne. Comment y répondent nos fabricants ?
Le graphique illustre les ventes réalisées par l’entremise de grandes plateformes numériques comme Amazon, permettant aux fabricants de toucher un public plus vaste sans transformation logistique ou financière majeure.
Les intentions des manufacturiers au chapitre des ventes en ligne affichent une croissance de 250 % d’ici 2030. Impressionnant en pourcentage, certes, mais cela ne représentera qu’environ 14 % des ventes totales.
Commentaire de M. Darveau :
« Difficile de prédire si cette hausse se fera au détriment des points de vente physiques ou si elle s’ajoutera aux revenus existants. »
Selon Rachel Blondeau, les fabricants hésitent à investir dans des sites transactionnels sophistiqués, craignant de froisser les réseaux d’achats auxquels ils appartiennent.
Dès lors, une piste à envisager serait de confier à « Bien fait ici » un rôle de vitrine numérique et de chef de mission économique, avec l’appui de la classe politique, lors d’événements commerciaux ciblés.
Parlons maintenant des approvisionnements
Laissons les ventes et voyons l’autre côté de la médaille : les approvisionnements en composants et en matières premières pour les fabricants.
On observe un recul de l’intérêt pour les fournisseurs américains et asiatiques, et en revanche, un attrait croissant pour des collaborations européennes. Mais la volonté la plus marquée reste de se rapprocher de sources d’approvisionnement locales.
Aujourd’hui, les trois quarts des composants proviennent déjà du Canada. Or, nos participants souhaitent hausser encore cette proportion.
Dès lors, une question s’impose : quel soutien « Bien fait ici » ou l’État pourraient-ils offrir pour favoriser davantage les liens d’affaires avec des fournisseurs locaux ?
Il vaut la chandelle de réfléchir à une forme de salon de la sous-traitance, mais spécialisé dans la fabrication d’articles de quincaillerie et de matériaux de construction.
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Le sondage s’est déroulé entre le 24 mars et le 30 mai 2025. Vingt entreprises parmi les quelque 225 fabricants engagés dans « Bien fait ici » ont rempli le questionnaire, avec le soutien de notre stagiaire Rachel Blondeau, qui en a effectué l’analyse. |